ETATS GENERAUX DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES ET DE L'ARTISANAT

Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement, très chers Collègues,
Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions Constitutionnelles,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations Internationales, Partenaires au Développement,
Mesdames et Messieurs les Opérateurs Economiques et de la Société Civile,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs,

C'est avec un immense plaisir et un sens aigu de la responsabilité qu'il m'échoit de prononcer cette allocution circonstancielle dans ce cadre exceptionnellement aménagé pour nous offrir, pendant trois jours, l'opportunité historique d'échanger, de débattre, de réfléchir et d'instruire collégialement les directives et les perspectives qui vont oeuvrer à doter notre pays le Gabon des Petites et Moyennes Entreprises, fortes, compétitives et pourvoyeuses d'emplois et de croissance durables.

Mais avant de poursuivre, je tiens tout d'abord à saluer votre présence ici et très particulièrement celle de Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Représentant Monsieur le Président de la République, Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA, pour l'insigne honneur qu'il nous fait en venant présider cette cérémonie d'ouverture des Etats Généraux des Petites et Moyennes Entreprises et de l'Artisanat.

Excellence Monsieur le Premier Ministre, je vous prie de bien vouloir croire que chacun d'entre nous saisit très bien la portée, on ne peut plus significative, de votre geste de soutien et d'implication qui coïncide nettement avec l'inaugurale et patriotique ambition du Chef de l'Etat de hisser notre Gabon au rang des pays dits émergents. Par ma voix, tous les acteurs, publics et privés, du monde de l'Entreprise, vous savent naturellement gré de votre très grande sollicitude.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Comme toute initiative qui succède à d'autres, identiques par le format, la dénomination et les objectifs, les Etats Généraux des PME et de l'Artisanat sont tenus de décliner leur spécificité pour ne pas essuyer les affres de la critique facile et de la mauvaise foi qui pourraient une fois encore tomber dans le travers des conclusions hâtives et du procès d'intention.

Les Etats Généraux des Petites et Moyennes Entreprises et de l'Artisanat ne s'inscrivent nullement dans un effet de mode et n'ont pas pour finalité d'être des assises de plus, des assises de trop pour toujours plus de dépenses, sans la moindre incidence pour le quotidien de nos concitoyens. Les Etats Généraux que vous présidez ce jour, se justifient, au contraire, à plus d'un titre.

D'abord par le bilan et la nécessaire évaluation des efforts consentis par l'Etat gabonais depuis 1981, pour financer, promouvoir et encadrer la Petite et Moyenne Entreprise et l'Artisanat gabonais. Nos Etats Généraux se fondent ensuite sur l'impérieuse nécessité de diversifier notre économie, au moment même où nos sources classiques de croissance stagnent et nous invitent à plus d'imagination et de précaution écologique. Enfin et surtout, le projet de Société du Chef de l'Etat, « l'Avenir en Confiance », ce NEW DEAL gabonais à travers lequel il fixe le cap et le nouvel horizon de notre très cher pays. Parce que le Gabon notre pays a vocation à devenir un pays émergent et que cette photographie économique ne se conçoit pas sans des PME compétitives.

Le bon sens politique, qui est certes la chose au Gabon la moins bien partagée, recommande que l'on questionne et que l'on évalue la structure du tissu national des Petites et Moyennes Entreprises et de l'Artisanat dans notre pays.
Parce que Gouverner c'est agir et dans certaines circonstances réagir, vous avez besoin de savoir, Excellence Monsieur le Premier Ministre, si en l'état actuel de leur structuration et de leur fonctionnement, les PME et l'Artisanat sont en mesure d'accompagner efficacement l'ambition du Chef de l'Etat de faire du Gabon un pays émergent.

Nos assises se fondent donc sur la lucide conviction qu'il faut tout se dire, ici et maintenant, tout analyser afin de vous permettre de baliser votre décision. Comme le disait le Premier Ministre Raymond BARRE en son temps, je le cite : « Quand le moment sera venu, l'heure est arrivée ».

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

L'heure est en effet arrivée de vous situer sur la portée des efforts consentis par l'Etat pour financer et promouvoir la PME dans notre pays. Le bilan est expressif. Il interpelle au moins la conscience citoyenne et l'engage à des changements pragmatiques. Notre économie est lorgnée par un risque évident de décrochage si nous n'actons pas très vite la rupture avec l'économie de rente pour nous arrimer, avec intelligence, aux mécanismes qui ont permis aux pays de l'Asie du Sud Est, de l'Amérique Latine et de l'Afrique dont nous voulons, grâce à la vision du Président de la République, emboiter le pas...

Sous d'autres formats que celui qui nous rassemble ce jour, l'avenir de la PME et de l'Artisanat nous avait déjà réunis pour aiguiller la décision gouvernementale.

Tout d'abord le premier Colloque National sur les PME /PMI tenu à Port-Gentil du 1er au 06 juin 1987 avait déjà révélé l'insuffisance des PME gabonaises, le manque de synergie au niveau institutionnel, le manque de financements efficaces et les difficultés d'accès aux Marchés Publics. Dix ans plus tard, presque à l'identique, l'Atelier sur l'appui à l'entreprenariat du 29 septembre au 03 octobre 1997 à Libreville établissait le même constat avec la particularité d'une inexistence des textes organiques. En 2001, à l'occasion d'un Forum sur les PME, la carence s'était accentuée : inadaptation du cadre juridique des PME, difficultés d'accès aux Marchés Publics, inadéquation formation-emploi, etc. Enfin, en mars 2010, au terme de la première étape d'une mission effectuée à Port-Gentil sur vos instructions, Monsieur le Premier Ministre, j'ai moi-même fait le constat ahurissant d'une situation qui se dégrade continuellement et fait, in fine, le lit des frustrations et des ressentiments.

A l'occasion des visites sur le terrain et d'échanges parfois houleux avec les représentations des PME gabonaises et de l'UPEGA (l'Union des Pétroliers Gabonais), j'ai saisi l'épaisseur des problèmes qui vont du besoin de financements des PME au non respect des clauses des contrats de sous-traitance, à l'attribution partisane des marchés et même, chose scandaleuse, à la discrimination raciale.

Oui, Monsieur le Premier Ministre, et je m'excuse de la brutalité de ma formule, au 21ème siècle, beaucoup n'ont pas encore intégré le fait indéniable et imprescriptible de l'égalité ontologique des humains.

Le bilan chiffré est lui aussi édifiant :

-10.000 entreprises créées tous les deux ans

-80% d'entreprises individuelles et seulement 20 % de sociétés

-Un taux de mortalité de 80%

-Selon une étude de DOING BUSINESS, le Gabon notre pays est classé à la 152ème place sur 183 pays, en termes de création d'entreprises

-L'implantation géographique de l'entreprise au Gabon est territorialement déséquilibrée.70% de ces entreprises sont concentrées à Libreville et 30% encore plus disséminées sur le reste du territoire. Dans notre pays, et j'ai peine à le dire, il existe des déserts économiques.

-85% des créateurs d'entreprises sont des salariés, à majorité des fonctionnaires et 15% seulement des créateurs de ces entreprises sont au départ sans emplois.

-Bon nombre des PME gabonaises n'ont qu'une existence juridique et accumulent des temps d'inactivité impressionnants.

-Des secteurs entiers de l'économie gabonaise sont détenus par des non-nationaux qui, pour l'essentiel, exercent dans l'informel et causent un réel préjudice pour les entreprises formellement constituées. Ils privent ainsi l'Etat d'une ressource évidente.

-Une absence de synergie entre les Grandes Entreprises et les Petites et Moyennes Entreprises, notamment dans le domaine crucial de la sous-traitance, etc.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

L'exercice auquel je viens de me livrer peut donner une impression de déjà vu, de déjà entendu et suggérer la lassitude, le renoncement ou même le fatalisme. Comme on le dirait à KINGUELE ou dans un autre quartier de LIBREVILLE ou PORT-GENTIL, « On va encore faire comment ! »
Mais, tels des pédagogues, ne nous lassons pas de répéter, de persévérer tout le temps que le message n'aura pas été audible et produit les effets attendus. C'est un fait, le problème dans notre pays réside moins dans la qualité de ses lois que dans les esprits. Le changement de mentalité qu'espérait le Président Omar BONGO ONDIMBA et que le Chef de l'Etat a relayé dans son allocution d'octobre 2010 est plus que d'actualité. Il est nécessaire. Nous devons nous armer de courage, au double sens de résistance à la peur et à la fatigue, pour aider notre beau pays à rompre avec l'économie de rente. Dans les années 1970, au moment de la crise pétrolière, sous la Présidence de Valery Giscard d'ESTAING, la France s'était dotée d'un credo, je le cite : « la France n'a pas de pétrole, mais elle a les idées ». Or le Gabon, notre pays a non seulement le pétrole mais il n'est pas dépourvu d'idées originales qui peuvent lui garantir le succès économique et la prospérité sociale. Le Gabon est donc condamné à réussir parce qu'il a pratiquement tout pour.

Monsieur le Premier Ministre,

Les idées du Chef de l'Etat nous parlent, nous rassurent et nous font envisager l'avenir de notre pays en toute confiance. Si le projet de société du Chef de l'Etat se décline sous 9 axes fondamentaux, permettez-moi de vous indiquer qu'il a logé le Ministère des Petites et Moyennes Entreprises et de l'Artisanat au coeur de ce NEW DEAL. Le choix de notre thème : « Quelle PME/PMI pour un Gabon émergent ? » doit être perçu comme notre volonté de remplir notre part du contrat et de jouer pleinement notre partition pour faire du Gabon un pays émergent.
Mon département ministériel, par ses prérogatives et ses ambitions, se reconnait dans cinq (5) des axes fondamentaux du projet du Chef de l'Etat.

Quand l'Axe 2 de « l'Avenir en confiance » parle de Décentralisation, le Ministère des PME et de l'Artisanat comprend qu'il n' ya pas de décentralisation administrative sans le maillage économique de nos régions qu'elle implique.

Quand l'Axe 4 décline la préservation de l'intégrité territoriale et la consolidation des rapports de confiance avec nos voisins, nous comprenons qu'elles impliquent la maitrise du tissu économique national pour ne pas perdre sur le plan économique ce que nous croyons préserver par la Défense et la Diplomatie Nationales. Le patriotisme économique, qui n'est nullement le rejet de nos partenaires anciens et nouveaux, doit prendre forme et nous emmener, chaque fois que nous le pouvons, à exiger la minorité de blocage dans chacune des entreprises stratégiques présentes sur le territoire national. Il doit nous permettre de concrétiser des idées telles la tenue annuelle d'un forum économique consacré aux PME et la mise en place d'un fond spécifique aux PME pour intégrer les Zones Economiques Spéciales comme celle NKOK ou même de consigner dans la loi un pourcentage juste des Marchés Publics réservés aux PME gabonaises.

Lorsque l'Axe 5 incite à diversifier les sources de croissance et de développement, le Ministère des Petites et Moyennes Entreprises et de l'Artisanat comprend ce qu'est en fait son nom propre.

Quand l'Axe 6 parle de mettre en place des infrastructures de soutien au développement économique, le Ministre des PME et de l'Artisanat, que je suis, comprend aussitôt que PROMOGABON doit changer de visage et d'ambitions, qu'il faut doter, au-delà de la B.G.D dans sa nouvelle configuration, le pays d'un outil de financement des PME à la hauteur des nouvelles ambitions consacrant le Partenariat Public-Privé. Vous le savez et les travaux en ateliers vont le révéler : la diversification des sources de financements des promoteurs n'est pas un obstacle à l'efficacité et à la compétitivité de nos Petites et Moyennes Entreprises, au contraire.

Pour finir, quand l'Axe 8 de notre bréviaire veut mieux responsabiliser les Gabonais et les pousser à être indépendants, nous saisissons la balle au bond en leur disant que seul le travail libère et le commerce enrichit.

Ils ne contribuent pas simplement à nous éloigner des maux décrits par Voltaire au 18ème siècle, l'ennui, le vice et le besoin. Mais le travail et l'initiative privée participent aussi à notre accomplissement et à l'effort que chaque particule du GABON doit fournir pour faire prospérer ce précieux héritage que Dieu, la Nature et nos Ancêtres nous ont légué. A l'instar de Saint-Exupéry, nous savons qu' « Etre Homme, c'est sentir en posant sa pierre que l'on contribue à construire le monde. »

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Nos Etats Généraux se déclinent en cinq (5) ateliers répartis comme suit : quatre pour les PME et un pour l'Artisanat. C'est simplement pour des raisons d'efficacité méthodologique que nous avons souscrit à ce découpage. Nous savons aussi que l'essentiel des difficultés des PME sont identiques à celles de l'Artisanat.
L'Atelier 1 est consacré à la Formation, au Renforcement de capacités structurelles, à la Protection Sociale et à la Promotion de l'Entreprenariat.

L'Atelier 2, consacré au cadre Economique, Juridique et Institutionnel des PME, doit d'abord procéder à l'inventaire du dispositif législatif en la matière et envisager une harmonisation des textes relatifs à la promotion et au financement des PME. Il doit aussi inciter à une meilleure synergie entre les administrations liées à la vie des PME.

L'Atelier 3, qui porte sur la commande publique, privée et la sous-traitance, devra suggérer une clarification et une meilleure application des dispositions légales et prévoir un renforcement des capacités des PME pour le montage des dossiers de soumission aux appels d'offre.

L'Atelier 4 est consacré aux financements public et privé des PME.
Cet atelier, tout en sensibilisant les PME sur la tenue permanente d'états financiers fiables, doit aussi envisager la possibilité de réinstituer un système de garantie couvrant les risques de remboursement des prêts bancaires.

L'Atelier 5 est quant à lui dédié à l'Artisanat. Il a vocation à décliner l'apport de l'Artisanat sur le plan socio-économique ainsi que son impact sur le développement local.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Je me réjouis de la tonalité et surtout de l'orientation des discours qui m'ont précédé.
Le discours du Président de la Chambre de Commerce et de l'Industrie du Gabon me rassure et me réconforte dans la conviction que c'est en conjuguant les efforts régaliens du public et le pragmatisme du privé que nous réussirons à doter notre pays d'une économie réellement moderne. Lors de votre déclaration de Politique Générale à l'Assemblée Nationale, Monsieur le Premier Ministre, vous nous avez rappelé, en vous référant à une réflexion sud coréenne, que se contenter d'une économie de rente, c'était à l'évidence atrophier et limiter le potentiel intellectuel et créatif de l'humain. Vous aviez raison : les matières premières ne portent aucune malédiction congénitale. Mais elles doivent être perçues comme un socle sur lequel le génie gabonais peut s'appuyer pour bâtir un environnement économique performant.

Les PME et l'Artisanat sont de réels leviers pour l'émergence de la « Démocratie économique ». Le jeu de mots ne se vérifie pas partout et tout le temps, mais c'est notre conviction : la démocratie politique doit avoir pour effets induits la liberté et la prospérité économiques. C'est d'ailleurs la mission que le Chef de l'Etat et vous-même, Monsieur le Premier Ministre, m'avez confiée en octobre 2009.
Nous devons nous assurer, tous les jours que Dieu fait, que les Gabonais jouissent sur le plan économique et social des bienfaits de la Démocratie et de la stabilité politique auxquelles ils sont jalousement attachés.

Quant à l'intervention de Monsieur le Ministre des Mines, du Pétrole et des Hydrocarbures, je crois qu'elle devrait rassurer nos entrepreneurs du secteur. L'état d'esprit qui est le vôtre très cher collègue est indispensable pour trouver ensemble des passerelles qui aideront nos PME à intégrer et à compétir à armes plus ou moins égales avec leurs homologues étrangères. Cher Alexandre, nos entrepreneurs ont été édifiés. Je crois qu'ils saisissent que ce secteur est stratégique, exigeant, qu'il ne tolère aucune approximation et où l'unité de mesure pécuniaire est souvent le milliard de franc CFA.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement, très Chers Collègues,
Distingués invités

Les assises qui s'ouvrent ce jour ont la mission d'aller au fond des choses. Durant les travaux en ateliers, la parole sera libre.
Chacun des acteurs du monde de l'entreprise est tenu de dire avec ses mots et son tempérament, les obstacles qui freinent l'initiative privée au Gabon et doit, pour être constructif, édicter des propositions pour que le paysage économique de notre pays change, se dynamise, dope la croissance, permette l'émergence d'une classe moyenne et lutte efficacement contre la pauvreté.

C'est dans cet état d'esprit, comme un ouvrier sur un chantier, que nous entendons apporter notre modeste contribution auprès de Monsieur le Président de la République, Chef de l'Etat, dans l'édification de la société de confiance, société de responsabilités qui libère les compétences, les talents, les imaginations, les énergies, en somme, le génie créateur gabonais.
En choisissant ce thème, « Quelle PME/PMI pour un Gabon émergent ? », nous voulons agir tel un médecin avec son patient. En effet, nous devons nous assurer, à travers un diagnostic approfondi, de la gravité de la pathologie à soigner. Il est donc de la responsabilité de ces Etats Généraux de nous fixer sur l'étendue des besoins des PME et de l'Artisanat pour qu'ils s'arriment à volonté politique du Chef de l'Etat.
Frantz FANON disait, je cite : « Chaque génération a le choix entre trahir et accomplir sa mission ». La nôtre est de garantir à nos enfants une économie diversifiée, compétitive et propice au déploiement de leur génie. Notre montagne ne doit donc pas accoucher d'une souris. L'enjeu est trop important et notre responsabilité est déjà engagée.

Je vous remercie.