SOMMET BANCAIRE FRANCOPHONE

Madame la Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie,
Monsieur le Secrétaire Général de la Francophonie,
Monsieur le Président de l'Union des Banques Arabes,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs,

C'est avec un immense plaisir que je suis emmené à prononcer une brève allocution en cette circonstance, dans ce cadre unique. Ce Sommet Bancaire Francophone est un rendez-vous important qui m'offre, pour la première fois, en ma qualité de Ministre des Petites et Moyennes Entreprises et de l'Artisanat de la République Gabonaise, l'heureuse opportunité de m'adresser directement aux chefs d'entreprises et en particulier aux banquiers de notre communauté linguistique et politique.

En répondant à votre invitation, je voudrais, à mon modeste niveau, relayer la volonté du Chef de l'Etat Gabonais Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA de faire du Gabon un pays émergent.

Je voudrais vous dire que j'ai conscience que pour y parvenir, le Gabon, mon pays, doit prendre le taureau par les cornes. Il doit engager, de façon pragmatique, les réformes qui s'imposent pour esquisser des perspectives économiques, financières et fiscales audacieuses afin de rassurer nos partenaires historiques et en attirer de nouveaux. Je sais surtout qu'un tissu diversifié des Petites et Moyennes Entreprises compétitives et pourvoyeuses d'emplois et de croissance durables est l'une des déclinaisons économiques de l'Emergence.

C'est pourquoi je voudrais solennellement dire mon admiration pour le travail que vos établissements bancaires accomplissent, tous les jours que Dieu fait, au service des économies des Pays africains. Au cours de ces dernières années, je sais ce dont les économies de nos pays ont bénéficié de vos banques et je sais davantage ce qu'elles en attendent pour maintenant et pour les années à venir.

Je voudrais aussi dire toute mon estime à Adnan YUSIF, le Président de l'Union des Banques Arabes qui représente cette organisation avec tant d'enthousiasme, d'intelligence et d'énergie et qui fait au mieux pour nous édifier sur les opportunités et les synergies à créer entre un pays comme le Gabon, dépourvu de Banques d'investissements et une Organisation comme celle qu'il dirige. Je voudrais donc vous remercier, Monsieur le Président, pour votre invitation qui m'offre en fait l'occasion de vous dresser très succinctement le portrait économique du Gabon avant de vous révéler ses attentes et ses besoins spécifiques en financement des Petites et Moyennes Entreprises.

Madame la Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie,
Monsieur le Secrétaire Général de la Francophonie,
Monsieur le Président de l'Union des Banques Arabes,

Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs,

Le Gabon, mon pays, est une ancienne colonie française qui devient indépendant le 17 août 1960. Avec une superficie de 268.000 km2 pour une population de 1.500.000 habitants, il est baigné par l'Océan Atlantique et doté de fortes réserves de pétrole, de manganèse et d'uranium. Il est recouvert au 3 /4 de sa superficie d'une très riche forêt équatoriale. Ce potentiel naturel et le déficit en ressources humaines de qualité ont prédestiné son économie à la rente. Depuis 1960, jusqu'à un passé récent, l'essentiel de l'activité économique de mon pays consistait à exploiter et à exporter ses matières premières.

Or, l'issue de ce scénario économique était connue d'avance : le Gabon était lorgné par un risque de décrochage s'il n'actait pas la rupture avec l'économie de rente.

Dès lors, il s'emploie depuis quelques années à diversifier son économie pour ne pas que sa croissance dépende des vicissitudes des cours du baril de pétrole, des fluctuations du dollar et même de la diminution de nos ressources naturelles qui nous invitent à plus d'imagination et de précautions écologiques.

Pour ce faire, le Gabon crée en 1960 la Banque Gabonaise de Développement (BGD) dont le capital est de 25 milliards de francs CFA, soit 13 millions d'euros et dont mandat est de financer des microprojets, les PME/PMI et le commerce de détail.

En 1981, le Gouvernement de la République Gabonaise institue des mesures administratives et financières pour la promotion des Petites et Moyennes Entreprises, par la loi 1/81. Celle-ci crée par la même occasion un Fonds d'Aide et de Garantie pour la PME (FAGA) dont la trésorerie était de 1milliard de francs CFA, soit 1,5 millions d'euros. Pour le compte de l'aide garantie, une passerelle avait été créée avec la Banque Gabonaise de Développement qui dispose d'une une trésorerie plus importante. Ce Fonds avait pour mandat : participer à la constitution ou au renforcement des capitaux propres, octroyer des subventions, accorder des avances remboursables et fournir une garantie auprès des banques, ce à un taux bonifié.

En 1993, par un emprunt BAD de 10 milliards de francs CFA, soit 15 millions d'euros, le Gouvernement Gabonais renforce le dispositif sus-énoncé en créant par l'ordonnance du 15 avril 1993 le Fond d'Expansion et de Développement des PME/PMI (FODEX). Le mandat de ce nouvel outil était :

Le refinancement des banques, la fourniture des garanties, l'octroi de prêts directs participatifs, l'aide au financement des études, la gestion d'un guichet de micro finance, etc.

En dépit de cet arsenal, le paysage économique de mon pays n'a pas réellement changé. Le déficit en financement des PME n'a pas été comblé. Mieux, il se pose avec plus d'intensité au regard des nouvelles ambitions et objectifs économiques que le Chef de l'Etat se fixe pour le pays.

Ces vingt dernières années, l'Etat Gabonais a pratiquement injecté 200 milliards de francs CFA soit 300 millions d'euros sans une réelle incidence sur son tissu économique. On peut longuement épiloguer sur les raisons et les responsabilités de cet échec.

Mais ce qui me semble important de dire et de souligner ici, c'est le fait que l'affectation de tous ces fonds n'était pas précédée en amont d'une feuille de route indiquant clairement les secteurs prioritaires, la localisation géographique et les objectifs à court, moyen et long termes. Tous ces outils de financement et de promotion des PME étaient également handicapés par le « pêché originel » de leur très forte connotation publique.

Le résultat de cette inconséquence politique est que le paysage financier du Gabon est simplement constitué de Banques commerciales. Dans une situation de quasi monopole, elles dictent leur loi aux entrepreneurs. Par exemple, le taux de base bancaire est actuellement de 10,5%. Lorsqu'on ajoute la majoration des Banques commerciales, ce taux atteint les 15% ; ce qui asphyxie littéralement les entrepreneurs. La Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) est certes en surliquidité mais le marché sous-régional qu'elle couvre n'est pas assez concurrentiel pour tirer les taux d'intérêt vers le bas.

Constituée pour l'essentiel des dépôts à court terme, la surliquidité des Banques commerciales au Gabon n'est pas durable. Elle n'est donc pas disposée à financer les besoins en investissement.

Ainsi, la Petite et Moyenne Entreprise gabonaise est jusqu'à ce jour soumise au problème de sous-capitalisation, des risques opérationnels et sa capacité d'autofinancement n'est pas visible,...

Dans ces conditions, la question qui nous préoccupe et qui motive aussi ma présence ici est la suivante :

Comment établir le lien d'association entre le système productif et la couverture des besoins en financement ? Autrement dit, quels mécanismes ou quels partenariats faut-il envisager pour financer efficacement des PME dont la vocation est d'accompagner le processus d'émergence économique du Gabon ?

C'est notre problématique, c'est notre pari et c'est aussi le défi que le Gabon est condamné à relever avec succès s'il veut renverser sa vapeur économique et sociale.

Il y a un mois, à l'occasion des Etats Généraux des Petites et Moyennes Entreprises et de l'Artisanat que nous avons organisés à Libreville, ce questionnement était au coeur des discussions. Nous avons, en effet, saisi l'occasion de cette « Agora économique », aménagée pour les acteurs publics et privés du monde de l'entreprise, pour diagnostiquer librement et collégialement les maux qui freinent l'initiative privée au Gabon. Pour être constructives, nos assises ont aussi édicté une série de propositions pour que l'environnement économique du Gabon change, se dynamise, dope la croissance, permette l'émergence d'une classe moyenne et lutte efficacement contre la pauvreté.

Pour ne pas étendre l'énumération, je ne citerai que quatre propositions.

1. La création d'une Agence Financière totalement dédiée au financement des PME/PMI et du secteur privé en général ;
2. La Mise en place d'une Société de Capital Risque ;
3. L'implantation massive des Banques et des Fonds d'investissements pour aider à baisser les taux d'intérêt que pratiquent les Banques commerciales ;
4. La Création d'une Banque Agricole pour proposer des lignes de crédits spécifiques.

Toutes ces pistes de réflexion devront, de notre point de vue, se soumettre à l'exigence principielle d'un partenariat public-privé. Nous ne voulons plus de toutes ces structures d'accompagnement et de financement du secteur privé dont le management et la structuration sont exclusivement ceux du public.
Il est vrai qu'il n'ya pas d'un côté des anges et de l'autre des démons mais il est nécessaire de trouver des synergies utiles si l'on veut éviter de retomber dans les travers du passé.

D'ailleurs, depuis que l'économie de marché est admise comme la norme économique, nous avons constaté que la croissance est invariablement le fruit d'une féconde synergie entre les missions régaliennes du public et le pragmatisme du privé, d'une coordination efficace entre l'intérêt général et l'intérêt particulier.

Le Gabon, mon pays, ne veut pas réinventer la roue. Nous voulons simplement nous approprier, avec pragmatisme, les idées et les mécanismes qui ont permis le succès économique et la prospérité sociale des pays dont nous voulons emboiter le pas.

J'ai initialement fait la promesse d'être succinct, j'espère l'avoir été. Je suis maintenant disposé à me soumettre au caractère interactif de notre rencontre pour éclairer les lanternes et répondre aux interrogations qui subsistent encore.

Je vous remercie.